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le Blog'notes de Charlot du 13

 

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Le quartier Nelson

 

 

A Alger, 22 rue Eugène Robe, dans le quartier Nelson.

Peut-on vraiment parler d'un quartier pour quelques blocs d'immeubles autour d'un jardin, ou plutôt d'un square ? Le square Nelson, qui donnait son nom aux rues qui l'entouraient.

A la limite de Bab el Oued, mais à la limite extérieure, hein ! Nous étions la moquerie des habitants voisins qui revendiquaient, eux, une fière appartenance au quartier pied noir le plus populaire d'Alger.

A Alger, il y avait la Casbah, quartier des musulmans, le quartier le plus pauvre bien sûr ; le Centre-Ville, quartier des Pied noirs Français d'Algérie et des familles de militaires en garnison, quartier le plus riche, et le plus raciste. Et entre les deux, Bab El Oued regroupait les pieds noirs de toutes les origines. Italiens, Espagnols, Juifs, Français pas assez riches pour se payer un appartement en ville, toute cette population, que l'on a décrite suffisamment par ailleurs. Le "quartier Nelson" se situait à la lisière de Bab el Oued, mais n'était pas du Centre, s'était fabriqué une identité mais son appartenance à Bab el Oued, si on juge par la diversité de ses habitants, ne faisait aucun doute.

La rue Eugène Robe donnait directement sur le square. La première photo montre à peu près la vue qu'on avait de notre balcon. Le square en contrebas, le cinéma Majestic en face. Le Majestic, grande fierté du quartier ! qui avait une enseigne au néon ! le cinéma le plus grand d'Alger ! La vue directe de notre balcon sur le square permettait à ma mère de nous laisser jouer jusqu'à 7h du soir, mon frère et moi, moi surtout, parce que mon frère préférait rentrer lire et qu'il devait faire ses devoirs, il était déjà au lycée, moi, en CM2. Ma mère montait préparer le repas du soir et laver notre petite sœur de 3 ans tout en me surveillant de temps en temps du coin de l'œil du balcon. Car c'était après 5 heures que les dames rentraient les petits, et que nous les grands de 10 ans, on pouvait commencer la partie de ballon.

Ce balcon ! j'ai l'impression qu'on y vivait autant qu'à l'intérieur ! Plus petit, j'y passais des heures dans une cabane fabriquée derrière une fenêtre : ouvrir à moitié les volets, mettre le rideau qui s'attachait à la rambarde, et c'était ma maison. C'est vrai que pratiquement toutes les photos de la famille à l'époque étaient prises au balcon. Pour la vue ? pour la lumière ? Je ne sais pas, mais c'est comme ça que maintenant, on peut voir défiler dans les albums photos familiaux les personnages dans un décor immuable, le square Nelson en contrebas, le Majestic en face -pousse-toi Yvette, je vois pas le Majestic !- seules les figurants grandissent et/ou vieillissent de photos en photos.

Là, c'est ma grand-mère Eugénie avec trois de ses filles (Yvette, ma mère tout à gauche, puis Lucia et Hermance) et avec sa dernière petite fille, Marie-Paule, ma soeur.

Mais revenons au personnage principal. Photos - sur le balcon bien sûr- à 4 ans, 7 ans, 10 ans. Vous remarquerez le passage de la barboteuse au pantalon court, puis au jean !


 

 

Nous habitions l'appartement qu'avaient laissé mes grands-parents paternels à mon père. On ne peut pas parler d'héritage, car nous y étions en location. Heureux l'heureux propriétaire de cette heureuse maison qui percevait les loyers de 12 heureux locataires à raison de 6 étages et de 2 appartements par étage ! Il s'appelait Canouï. Nous, on chantait : "la rose s'épanouit, la femme s'évanouit, le juif, c'est Canouïïï ! " Comme on était nous aussi juifs, ce n'était pas vraiment une blague antisémite à nos yeux, juste une petite blague anti-proprio ! sûrement une blague de mon oncle Edouard -Edouard, arrête avec ces bêtises que tu apprends aux enfants ! -

Mes parents et nous, 3 enfants, y étions vraiment à l'aise dans ce 4 pièces. Recette : Pour qu'une famille de 5 personnes se sente au large dans n'importe quel logement, rajoutez d'abord 5 autres personnes pendant 5 ou 6 ans. C'est ainsi que pendant des années, le logement familial (familial, c'est le mot) se composait de :

  • une salle à manger commune pour 10
  • une chambre pour un couple et ses 2 enfants (mon oncle Edgard, frère de mon père, sa femme Juliette et ses 2 enfants, Marlène et Gérald)
  • une chambre pour mon oncle Edouard, frère de mon père, qui étant tailleur, poussait le vice jusqu'à faire de sa chambre un atelier et y hébergeait le jour 2 ouvriers, un coupeur et une couturière-repasseuse. Ce qui me fait rectifier : aux midis en semaine, la salle à manger abritait 12 personnes.
  • une chambre pour mes parents, mon frère Jacky et moi -ma soeur n'était pas encore née heureusement, elle est arrivée juste le jour du mariage de mon oncle Edouard qui lui laissait donc sa chambre- Au fait je m'appelais à l'époque "ptit Charles" pour ne pas confondre avec les 3 autres Charles de la famille, tous nommés différemment. Il y avait mon grand-père, mais lui on l'appelait "Papapa", Charlot, mon cousin ainé, et Charles, mon oncle.
  • une cuisine pour tous où tout le monde se bousculait (gentiment, bien sûr)
  • une salle d'eau -sans douche, on se lavait dans des bassines-
  • un cabinet de toilettes, source incessante de disputes. Ben parce que c'était toujours quand on en avait envie qu'y avait quelqu'un bien sûr !

Avec mon frère, on faisait de grandes courses de trottinettes ou de patins à roulettes, ce qui présentait un grand danger pour la planche de poivrons qui séchaient au soleil. Vous connaissez pas les poivrons séchés ? Ben, c'est comme les tomates séchées à l'italienne mais avec le goût des poivrons grillés en encore plus fort. Et quand vous y rajoutiez une bonne trace de roulettes de vos patins fraîchement graissées, ça vous donnait un de ces goûts que vous ne pourrez retrouver nulle part.

Je vous avais bien dit qu'il y aurait un coup de la madeleine de Proust, hein ?

La trottinette de Jacky était plus grande que la mienne, et surtout il avait une PEDALE D'ACCELERATION ! Comme il avait 3 ans de plus que moi, il me battait souvent bien sûr, mais pas toujours, parce qu'on était à peu près à égalité dans les conflits. Lui avait 3 ans de plus que moi mais moi j'étais nerveux, hargneux et j'en voulais déjà !

J'en voulais déjà au monde entier mais comme il était mon principal interlocuteur, alors tant pis pour lui ! En plus, je n'étais plus le petit dernier. Ma sœur avait pris la place de la préférée de mon père. Mon frère lui, avait et tenait consciencieusement la place de l'aîné. Il était sage. Bon travailleur, il récoltait régulièrement les encouragements au lycée Bugeaud. Moi, j'étais également très bon en classe, mais je récoltais plus que fréquemment des punitions de conduite.

"Elève très brillant, mais fait le clown en classe pour amuser ses camarades"

"Excellent élève mais décidément trop dissipé !!!"

Voilà le genre de mes bulletins...

Me dissiper, je n'en avais pas trop le loisir de le faire ailleurs. Au fur et à mesure que les années passaient, notre univers se confinait de plus en plus à notre quartier. Quand j'étais très petit, nous avions visité l'Algérie, le sud, les côtes. Je ne m'en souviens pas. La guerre, dont on parlait depuis mon plus jeune âge -j'avais 4 ans aux premiers attentats dans les Aurès- atteignait depuis quelques temps la ville.