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le Blog'notes de Charlot du 13

 

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Charlot du 13

 

L'ouverture de ce blog-notes
Mes aventures avec l'administration
Mes aventures avec la maladie
Pages éparses de ma mémoire
Moi, sexygénaire
Mes amours, mes emmerdes
Atelier d'écriture Nadia
Atelier d'écriture Prose des Vents
La Porte du Confinement
Chouchou, le vieux chêne
Elie, le mendiant de Jérusalem
Le déconfinement à la une
La prude et la pute
Temps calme
Pictos : Les ateliers d'écriture
Objets d'autrefois... mais du futur
Un bar de Ménilmontant - juin 1944
Même espace - Autres temps
Changement de saison
Buffet antillais
L'escalier
Le puits
L'atelier du peintre
Un arbre vint à passer
Les petites chéries
j'ai peur le samedi soir
C'est une soucoupe...
Abdel était berbère
Rolling Stone
Le bol, héros de Rav Ell
Les histoires de Naël
Diverses élucubrations
L'ancien testament
Les Evangiles au XXIème siècle
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Vos commentaires
 
Hommage à Jo-Vy
L'Algérie de Jacky
Au jardin d’essais
 
Hommage au vrai Charlot
 
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La Porte du Confinement

 

Il n'était ni tout jeune ni bien vieux, Léopold. Il était né le 4 novembre 1969, au début des années hippies. Elevé dans une communauté libre des années 70, ses parents pratiquaient encore l'amour libre quand il était enfant. Il se rappelait toujours avec bonheur l'ambiance de ces années joyeuses. Bonheur qui prit brusquement fin en 1983 avec l'apparition du sida.

Sa vie avait changé du tout au tout. Jeune adolescent, il ne put profiter de la liberté sexuelle à laquelle il aurait pu aspirer quelques années auparavant. Au lieu de quoi, ses parents se replièrent sur eux-mêmes, reniant tous leurs amis, tous leurs compagnons de route des années 70.

Et depuis, même à l'âge adulte, même après le décès de ses parents, il garda l'habitude de cette vie cloitrée et solitaire. Cela lui allait bien de vivre seul. Il avait quelques collègues de travail, bien sûr, mais c'était bonjour-bonsoir sans plus. Il eut bien quelques aventures sentimentales, mais elles n'allaient jamais bien loin, il avait trop peur de briser sa vie tranquille et solitaire.

Tranquille et solitaire. On pouvait définir sa vie ainsi. Et sa vie allait. Tranquille et solitaire.

Il avait donc juste passé la cinquantaine quelques mois auparavant, quand, à la télévision, le président Macron (ça lui faisait frôle d'avoir un président plus jeune que lui, à Léopold) annonça qu'il instaurait un décret de confinement. Il avait entendu parler comme tout le monde de ce fameux coronavirus. Mais un confinement ! S'enfermer tout seul chez soi ! Il n'avait pas beaucoup de rapports avec "les autres" mais s'enfermer tout seul chez soi !

Il s'organisa très vite. Son travail ne permettant pas le télétravail, il se retrouva au chômage et ne le supporta pas. Il préféra se mettre en maladie longue durée, puis en invalidité.

Les nouvelles de la maladie le déprimant, il décida de couper court à toutes les informations de l'extérieur. Pas de télé, pas de radio. Sur son ordinateur, il ne regardait jamais au grand jamais les sites de journaux. Il allait juste sur les sites de livraison à domicile et commandait ce dont il avait besoin.

Et il avait de faibles besoins, Léopold. Quand son âge le mit à la retraite, son revenu fut à peu près identique et cela lui suffisait. Il se commandait sa nourriture une fois par semaine. Quand la commande arrivait, il attendait la tombée de la nuit pour être sûr de n'avoir aucun contact avec quiconque, entrouvrait sa porte, glissait le colis à l'intérieur et refermait très vite sa porte.

 

Comme ceci :


Il commandait aussi du linge trois ou quatre fois par an, des livres de temps en temps. Des disques aussi. Il adorait la musique. Il passait ses journées à lire, à écouter de la musique et à bricoler. Il aimait beaucoup bricoler. Il répara tout seul son ordinateur quand celui-ci tomba en panne. Il améliora sa chaine stéréo. Il n'était pas ingénieur pour rien, Léopold.

Il se débrouillait bien dans son confinement. Les jours passèrent gentiment, puis les jours devinrent des semaines, les semaines des mois, les mois des années.

Et ce fut donc une grande surprise quand le 26 mai 2045, de grandes clameurs passèrent à travers ses fenêtres à double vitrage et ses lourdes tentures de velours. Des cris, de la musique, des pétarades (un feu d'artifice peut-être).

Pour une fois sa curiosité l'emporta sur sa prudence.
Il entrouvrit sa porte.

 

 

Comme ceci :

Et il tomba sur un groupe de personnes. Sans masque ! Sans aucune protection. Ils s'embrassaient, se serraient dans les bras les uns des autres. Plus aucun geste barrière ! Fi des distances sociales ! Fi du confinement !

Il demanda : qu'est-ce qu'il se passe ?

Une jeune femme lui répondit : "on fête comme chaque année la victoire sur le corona. Et cette année, c'est une grande fête ! Cela fait vingt-cinq ans que le confinement a fini !"

Vingt-cinq ans ! Léopold fut pris d'un malaise, la tête lui tournait. Il tomba évanoui. On l'emmena à l'hôpital. On le mit en réanimation. On le mit sous oxygène. On le mit dans un coma artificiel.

Il ne revint jamais à lui. Il mourut comme il avait toujours craint. Avec un tube dans la bouche, connecté à un respirateur.

A l'autopsie, on découvrit qu'il avait attrapé le coronavirus. Incroyable ! On n'avait pas vu ça depuis vingt-cinq ans !