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Charlot du 13

 

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Les offrandes

 


Récit d’Adam


Adam regardait ses deux fils préparer leurs offrandes. Il avait froid. Il se mit une peau par dessus la sienne. Ce qu’il pouvait faire froid dans ce monde ! Ce qu’il pouvait faire chaud, aussi, des fois ! La vie était dure ici. La vie. Il avait commencé à vivre vraiment il y a maintenant près de vingt ans.

Avant … Avant …

Avant, il avait vécu dans un endroit formidable. Un endroit paradisiaque. Un vrai Jardin d’Eden !

Quand il en avait envie, il n’avait eu qu’à tendre la main, et tous les fruits de la création lui étaient offerts. Mais il n’avait jamais eu faim, alors.

Quand il en avait envie, il allait voir sa compagne. Une femme qui lui ressemblait beaucoup, mais pas tout à fait. Elle avait une poitrine plus grosse que la sienne. Et elle n’avait pas ce truc entre les jambes pour pisser. Mais ils n’avaient pas grand chose à se dire. Il se demandait toujours pourquoi elle avait une si grosse poitrine. et pas de truc entre les jambes.

C’était vraiment agréable, avant. Il faisait toujours bon. Il faisait toujours beau. Un jour, Il avait été réveillé. La femme à ses côtés. Et ils avaient sympathisés parce que, même si ils n’étaient pas faits exactement pareil, ils étaient proches. C’était comme sa sœur. Il ne savait pas ce qu’était une sœur ou un frère alors, Adam, mais il l’imaginait comme ça. Ils se baladaient ensemble dans le beau jardin et ils mangeaient tous les fruits qu’ils voulaient. Avant …

Maintenant, Adam regardait ses fils. Ses fils ! Après la catastrophe, Adam avait connu H’ava. C’est comme ça qu’il l’avait alors appelée. H’ava. Il l’aimait, maintenant, H’ava. Maintenant, il savait pourquoi elle n’était pas faite comme lui. Elle n’était pas différente. Elle était complémentaire. Quand il s’était uni à elle pour la première fois, ce fut comme une vague de chaleur qui le transporta. Il avait eu l’impression qu’ils étaient en train de devenir SansNom lui-même, quand il avait été en elle.

Quelle sensation ! Quel bonheur ! Ensuite, elle avait accouché de Caïn. Qu’elle-ce qu’elle avait eu mal, H’ava ! « Tu enfanteras dans la douleur ! » il avait dit, SansNom. Il ne s’était pas moqué. Et là, il avait compris, quand elle avait allaité son bébé, pourquoi elle avait une telle poitrine. SansNom avait bien fait les choses. Malgré la douleur de l’enfantement, elle avait eu quand même un autre garçon, Abel. Même si ça faisait si mal d’accoucher, elle avait toujours envie d’avoir des enfants. Ca ne le gênait pas, les enfants, à Adam. Au contraire. Il sentait que maintenant, il se fatiguait plus vite qu’avant. Son visage, son corps changeaient. Il avait compris qu’il vieillissait. Il allait mourir un jour. SansNom l’avait dit, le jour de la catastrophe. Les enfants prendraient le relais.

Mourir. Savoir que ses jours étaient comptés ne donnait que plus de saveur à sa vie. Qu’est-ce qu’il allait devenir, après sa mort ? Allait-il être emporté dans le vide ? Dans ce vide qui se rétrécissait mais qui, pourtant, restait infini ? Allait-il se retrouver près de SansNom ? A sa droite peut-être ? Ou allait-t-il se réincarner dans une autre vie sur cette terre ? Il avait remarqué que quand il enterrait ses propres déchets, l’herbe était plus grasse après. Il mangeait de l’herbe et des animaux qui mangeaient eux-mêmes de l’herbe. Et les déchets de tous, y compris les cadavres des animaux faisaient que l’herbe était plus grasse après. Il avait bien fait les choses, SansNom. Gilgoul, ce mot lui vint à l’esprit. Quand il serait mort, ses enfants l’enterreraient et il engraisserait la terre. Finalement, SansNom l’avait créé avec de la terre, il retournerait donc à la terre, Adama. C’était bien.

Ses fils préparaient leurs offrandes. Comme ils vivaient de viande et de fruits - ils étaient des chasseurs-cueilleurs - il avait spécialisé ses fils, pour qu’ils soient plus adroits chacun dans son domaine. Adam se demanda si ça avait été une bonne idée. Caïn cueillait les fruits. Il avait même trouvé des systèmes pour faire pousser les plantes. Il avait remué la terre et planté des graines. Maintenant, c’était du blé et de l’orge qui poussaient. Quant à Abel, il était chasseur. C’était un bon chasseur. Il aimait ça, la chasse. Caïn était un peu jaloux d’Abel, car lui, Caïn, n’aimait pas trop labourer. Adam, en les regardant, se dit que s'il avait d’autres fils, il les laisserait faire ce qu’ils voulaient. Cueillir ou chasser. Ils pouvaient même faire les deux. Pourquoi pas ? Il allait le dire à Caïn et Abel. Mais après. Il les laissait maintenant préparer leurs offrandes. On voyait bien qu’Abel y mettait tout son cœur. Il arrangeait les plus beaux morceaux de viande avec soin et goût. Caïn n’avait qu’une maigre récolte et il la déposa un peu à la va vite. On voyait qu’il n’avait pas envie de faire cette offrande. On voyait qu’il n’aimait pas son métier. Adam allait leur parler après l’offrande. Dès demain.

Il se trouvait heureux, finalement, Adam. Bien sûr, la vie avait été plus agréable là-bas, au jardin d’Eden. Mais finalement, il lui avait manqué une dimension. D’avoir mangé la pomme lui avait donné une conscience qui le tourmentait parfois, certes, mais une conscience. Maintenant, il avait des responsabilités. Il était un Homme. Il voulait être un vrai ADAM. Et ces fils, ils voulaient en faire des vrais BNE-ADAM. Des hommes justes. Bons, justes et loyaux. Parce qu'ils avaient maintenant la responsabilité, les hommes, le choix entre le bien et le mal. Ils devenaient maîtres de leur destin. Finalement, ça avait été une bonne chose, cette catastrophe. Bien sûr, c’était maintenant dur de vivre, de se nourrir, de s’abriter, de se vêtir. Bien sûr, H’ava aurait préféré ne pas avoir si mal pour accoucher. Mais c’était le prix à payer. Et Adam trouvait finalement qu’ils avaient gagné au change.

Quand il voyait H’ava, quand il voyait ses fils, quand il voyait tout autour de lui, quand il voyait la création, il était pris d’un sentiment étrange. Il sentait son cœur se gonfler, ses tripes se nouer, son esprit ébloui par tant de beauté. Il était pris d’une sorte de tendresse pour les siens, pour le monde, pour la création, pour le créateur. Il avait découvert l’amour. Et ça, ça n’avait pas de prix !

Il regarda ses enfants finir leurs offrandes. Caïn regardait d’un œil haineux son frère Abel. Pourvu qu’ils ne se disputent pas. Il allait leur parler demain. Il les aimait trop pour les voir se disputer.