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le Blog'notes de Charlot du 13

 

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Charlot du 13

 

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La menace

 

"Si vous continuez à voir Gérard, votre petit secret lui sera révélé, ainsi, bien sûr, qu'à vos chères lectrices"

Alexandra Saint Bart, dite "Sandra", avait reçu ce message dans sa boîte au lettres ce matin. Evidemment non signé et comme le voulait la nouvelle tradition, le message n'était pas écrit avec des lettres de journaux découpés, non, ça c'était d'avant les ordinateurs, le message était tout simplement imprimé. Imprimé avec une quelconque imprimante. Tout simplement et complètement anonyme.

Sandra s'interrogea. Plusieurs fois. Elle avait plusieurs questions. Au moins deux. D'abord, de quel secret s'agissait-il ? Elle en avait plusieurs... Dans une vie, on accumule forcément des choses inavouables. Il y a tellement de secrets dans une famille, dans un être... Ensuite, qui avait pu écrire ce message ? Un homme ? Une femme ? Elle aurait tendance à dire une femme, mais elle n'était sûre de rien. Mais qui ?

Mais surtout, surtout, de quel secret s'agissait-il ? La menace pesait d'abord envers Gérard, un homme ouvert, un psy, compréhensif, et d'après le peu qu'elle connaissait de lui, un homme ouvert d'esprit. Mais la menace pesait aussi envers ses lectrices, et là c'était une autre paire de manches. Cela lui ferait perdre son travail. Et peut-être plus...

C'étaient bien deux types de secrets bien différents qui décevraient Gérard ou ses lectrices. Gérard. Ce cher Gérard. Elle était sa Sandy. "Masandy" lui murmurait-il à l'oreille quand il la prenait doucement, tendrement. Et sa voix si douce, si proche et ses lèvres qui frôlaient le lobe de son oreille... Oh ! Cela lui faisait monter le désir très fort. Elle grimpait aux rideaux quand il faisait ça.

Elle n'avait pas envie de perdre ça. Elle n'avait pas envie de perdre cette relation si neuve, cet amour naissant, si fragile encore. Oui. Mais elle n'avait pas envie non plus de perdre son travail. Un travail alimentaire, certes, mais un travail. Un revenu. Elle en avait besoin, même si ce n'était plus comme avant.

En septembre 2017, elle avait abandonné le journalisme d'investigation politique pour le courrier du cœur de son journal. Elle n'était pas suicidaire. Dès la fin des élections législatives de juin 2017, la politique du nouveau gouvernement s'était calquée sur celle de Donald, le nouveau président des Etats Unis. C'était la chasse aux journalistes. Une chape de plomb s'était abattue sur les médias.

Journalistes emprisonnés, "morts accidentelles" de journalistes, puis journalistes ouvertement exécutés après le rétablissement de la peine de mort pour actes terroristes. Et critiquer le gouvernement était un acte terroriste. Alors, oui, fini, l'investigation politique. Elle avait pris le courrier du cœur. "Courrier du cœur", courrier du cul, oui ! Ses lectrices, des mémères frustrées qui se délectaient du malheur des autres. Du côté de ses lectrices, elle avait quelques secrets qui pourraient la discréditer. Entre autres, un avortement. Quand elle était très jeune.

Maintenant que l'IVG était de nouveau interdite, on était revenus aux avortements clandestins avec aiguilles à tricoter et septicémie assurée. La prostitution était aussi interdite. Non seulement les souteneurs, mais les filles et même les clients risquaient la prison. Et les prisons avaient changé aussi. Finis, les cellules confortables avec TV et lit personnel. Les prisonniers n'avaient pas de cellule personnelle.

Ils travaillaient le jour et dormaient chaque soir dans un dortoir différent. Des dortoirs de huit. Pas d'affaires personnelles. Même le linge était distribué chaque semaine. Par taille. A peu près. Ca faisait rigoler les matons de voir les prisonniers vêtus d'habits trop grands ou trop petits.

Et ce n'était rien à côté des camps de travail. Car les prisonniers coupables d'actes terroristes, c'est à dire les prisonniers politiques, étaient passibles des camps de travail. Le bagne, tout simplement. On appelait ça "les camps de l'espoir". Calqués sur le modèle des camps de Mao lors de la révolution culturelle chinoise, cinquante ans auparavant exactement. Oui. Elle avait bien fait de passer au courrier du cœur.

Ah, ces élections de 2017 ! Elles avaient changé le visage de la France. Juste avant les élections, tellement de magouilles avaient éclaté au grand jour, tellement de corruptions dévoilées ! Emplois fictifs, détournements de fonds, l'argent sale était apparu à la vue de tous et tous avaient été dégouttés. Dégouttés des politiques classiques. Des politiques de métier. Un bon coup de balai ! Ca avait été le programme du parti populiste. Un bon coup de balai !

Ah ! ça avait balayé ! Mais pas seulement la corruption ! Ca avait balayé les critiques. Ca avait balayé les opposants. Ca avait balayé la démocratie. Ca avait balayé les libertés. Ca avait balayé La Liberté. Ca avait balayé la carrière d'Alexandra Saint Bart, grand journaliste, qui était devenu "Sandra" du courrier du cœur.

Mais même si elle n'aimait pas trop son nouveau travail, elle en avait besoin. Elle en avait besoin pour vivre. Elle en avait besoin pour manger. Tout simplement. Et elle sentait confusément que dans cette affaire, il y avait bien plus qu'une menace pour sa réputation. Non ! Il y avait une menace pour sa vie !

Ah ! C'est alors qu'elle comprit ! Oh les salauds ! Elle avait été jouée. Elle avait été piégée. Oh les salauds ! Ils étaient très forts. Trop forts pour elle. Elle était foutue. Elle était déjà morte.

Elle prit une feuille toute blanche, une feuille toute neuve et commença à écrire : "Mon cher Gérard, Gérard mon chéri, Gérard mon Amour..."