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Charlot du 13

 

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L'atelier du peintre

 

J’ai vécu pendant dix ans dans l’atelier d’une peintre.
Ou plutôt devrais-je dire maintenant 
J’ai vécu pendant dix ans dans l’atelier d’une peintresse.

Car "la féminisation des noms de métiers est une évolution linguistique destinée à faire évoluer vers des formes féminisées la morphologie des substantifs désignant des métiers. Le but est de rendre plus visible le rôle des femmes dans la vie publique et professionnelle. Il s'agit de contribuer à rééquilibrer par la sémantique, la position des femmes dans le domaine des emplois salariés traditionnellement exercés par des hommes." Wikipédia.

Alors qu’on s’en fout un peu, hein mesdames, de la foutue morphologie des substantifs désignant des métiers. Vous préfèreriez, hein Mesdames, avoir l’égalité des salaires, non ? « A travail égal, salaire égal » Voilà les mots d’ordre de mon enfance. Je trouve que c’était bien. A ce jour, en 2020, le salaire des femmes est de 17% inférieur à celui des hommes. Y a encore du chemin à faire.

Mais le monde politique, n’ayant pas la volonté de dépenser plus d’argent dans des futilités comme les salaires des agents des services publics s’efforce de faire croire à l’opinion des français moyens que ce qu’ils veulent, ces foutus agents, c’est "être reconnus". Etre reconnu ! Comme si le salaire n’était pas la reconnaissance ultime du travail…

« Les instituteurs et surtout les institutrices veulent que leur travail soit reconnu. Les infirmiers et surtout les infirmières veulent que leur travail soit reconnu. Alors, Messieurs et Mesdames, mettez-vous à vos fenêtres tous les soirs à vingt heures et applaudissez-les. Chaque applaudissement économisera un euro dans les caisses de l’état. Merci beaucoup. »

Mais il n’y a pas que dans les noms de métiers, c’est vrai que la langue française est misogyne…

Un gars c'est un jeune mec, et une garce c'est une pute.
Un coureur c'est un joggeur et une coureuse c'est une pute.
Un chauffeur il conduit l'bus et une chauffeuse c'est une pute.
Un entraîneur c'est un coach sportif et une entraîneuse c'est une pute.
Un homme à femme c'est un séducteur et une femme à homme c'est une pute.
Un chien c’est un animal à quatre pattes, une chienne c'est une pute.
Un cochon c'est un mec sale, une cochonne c'est une pute.
Un salop c'est un sale type, une salope c'est une pute.
Un allumeur ça allume le gaz, une allumeuse c'est une pute.
Un masseur c'est un kiné, une masseuse c'est une pute.
Un maître c'est un instituteur, une maîtresse c'est une pute.
Un homme facile c'est un gars sympa, une femme facile c'est une pute.
Un calculateur c'est un matheux, une calculatrice c'est une pute.
Un péripatéticien c’est un philosophe, une péripatéticienne c’est une pute.

Ce à quoi la linguiste Eliane Viennot répond justement : "La langue n'est pas misogyne. Ce sont les gens qui le sont, c'est la société qui est sexiste. Notre langue est absolument équipée pour dire l'égalité".

C’est sous la révolution que les misogynes s'en sont pris à la langue française. En 1789, des femmes écrivent la “requête des dames à l’Assemblée nationale”, pour demander à ce que le genre masculin, “même dans la grammaire”, soit l’égal du féminin : “Tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles.” Suite à cette requête, elles n’obtiennent aucune réponse. L’Académie Française, voulant contrer ce genre d’idée paritaire et révolutionnaire, décide alors d’exclure les femmes à siéger. Problème réglé.

Cette misogynie s’est aggravée sous Napoléon, puis a atteint son paroxysme au XIXème siècle avec l’école de la République. On invente de nouvelles règles : "le masculin l’emporte sur le féminin". Quand on parle d’un homme et de quatre-vingt-dix-neuf femmes, on dit « ILS ». Le renommé Bescherelle, qui écrivit la Bible de la langue française, écrit en 1835 : “La masculinité annonce toujours une idée grande et noble.” Au cas où ce n’était pas encore limpide, il ajoute : “Le masculin est plus noble que le féminin.” C’est dit ! Depuis, comme une évidence, transmise de génération en génération, la règle “le masculin l’emporte sur le féminin” est encore enseignée par les maîtresses et maîtres d’école. Si l’on y réfléchit bien, en quoi est-ce évident ?

Mais mon correcteur d’orthographe, pourtant à jour, me met le mot peintresse en rouge : Pas dans le dictionnaire ! Il me propose de le remplacer par « peinturasse ». Ce qui est l’imparfait du subjonctif du verbe peindre. Imparfait du subjonctif ! Alors que ma peintresse ou ma peintre de femme était parfaite.

Elle a été parfaite pendant dix ans jusqu’à ce qu’elle me jette avec ses vieilles chaussettes, ses vieux pinceaux et ses tubes de couleurs vides et éventrés. Et ses chiffons dégueu. Et ses bouteilles de térébenthine vides.

Ah ! Parlons de la térébenthine. Parce que quand on entre dans l’atelier d’un peintre, c’est l’odeur de la térébenthine qui vous saute au nez. Plus que les couleurs des tableaux qui sont le plus souvent tournés vers le mur. Par timidité. Par pudeur. Par peur ? Par crainte d'un jugement négatif ?

Je pencherais pour la pudeur. La même pudeur qui empêche aux écrivains (et écrivaines) de montrer leurs manuscrits au public. Mais qui au fond ont envie d’être édités. Comme les peintres voudraient bien vendre. Mais malheureusement, ma peintresse n’a jamais connu le succès. Elle a vendu très peu de tableaux. Et pas très cher.

Même maintenant que son compagnon actuel est un peintre de renom, exposé dans les musées, elle n’arrive pas à un succès de notoriété suffisant pour en vivre. Peut-être que si elle avait exposé sous un nom masculin, cela aurait mieux marché. Tant d’artistes femmes l’ont fait… Hein, Colette-Willie ? Hein, George Sand-Aurore Dupin ? Hein, Daniel Stern-Marie d’Agoult ? Hein, Fred Vargas- Frédérique Audoin-Rouzeau ? Hein…, hein…, hein… ?

Et il a fallu le XXème siècle pour considérer Berthe Morisot comme l'égale des grands impressionnistes. De son vivant, on l'appelait "Madame Eugène Manet". Mais c'est quoi, cette façon de perdre son nom quand une femme se marie ? Mes deux femmes -rassurez-vous, une après l'autre- ont gardé leur nom de jeune fille. Ma mère, qui s'appelait Yvette, se faisait appeler "Madame Georges" Affreux ! En Suisse, chacun des époux peut soit garder son nom de naissance, soit prendre le nom du conjoint. Et les enfants peuvent prendre le nom du père ou celui de la mère. Seule restriction : Ils doivent, s'il y a plusieurs enfants, avoir le même nom.

Mais revenons à l’atelier. Pendant tout notre mariage, ma peintresse de femme n’en avait pas. Enfin, pas de pièce dédicacée. Résultat, c’est dans le salon, dans la pièce à vivre, qu’elle peignait le plus souvent. En tout cas en hiver. En été, aux beaux jours, le petit jardin était l’endroit idéal. Mais en hiver, seul le salon offrait une luminosité suffisante pour peindre. Alors, bonjour l’odeur !

Tous les anciens tableaux étaient bien rangés dans des placards. L’atelier lui-même ne prenait pas beaucoup de place. Un chevalet, un tabouret, une petite table pour les pinceaux, les peintures, les chiffons. C’est tout. Le tout rangé en cinq minutes après le travail. Mais l’odeur, elle, restait. L’odeur de la térébenthine est, dans mon souvenir, l’odeur la plus entêtante qui me soit arrivé de côtoyer.

Je ne sais pas si vous le savez, mais le centre olfactif du cerveau est très très proche du centre de la mémoire. Alors les odeurs, plus que le goût, plus que les images, plus que les sons, rappellent des souvenirs.

Et quand je me rappelle l’atelier de ma peintresse, quand je me rappelle mon mariage, c’est l’odeur de la térébenthine qui me revient au nez.