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le Blog'notes de Charlot du 13

 

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Charlot du 13

 

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Changement de saison

 

Nathalie n’aimait pas qu’on l’appelle Natacha, qui était le diminutif courant de son prénom. Elle préférait « Nathalie », qui avait un air un peu exotique, un peu français. Elle adorait l’exotisme, elle adorait les voyages. Mais voilà. Nathalie ne voyageait jamais. Cela coutait trop cher. Et ce n’est pas avec son petit salaire de guide officiel de la ville de Moscou qu’elle pourrait s’en payer, des voyages.

Elle en avait marre d’être guide. Un petit salaire, même avec sa prime de trilingue, car outre sa langue maternelle, elle maitrisait bien l’anglais et le français, français qu’elle adorait, elle se sentait un peu noble quand elle le parlait. Et oui, le français avait été la langue de la cour, au temps des tsars.

Elle en avait marre de cette place rouge, qui était blanche en hiver. Qui était plus souvent blanche que rouge. Qui devenait moche à force de la voir, de l’arpenter, de la décrire à des groupes de touristes emmitouflés. Ah ! Elle regrettait l’époque où elle était très jeune, où elle avait vingt ans, où ce Gilbert, un français, l’avait séduite, l’avait déniaisée, lui avait fait miroiter de l’accompagner en France et qui finalement, l’avait laissée tomber comme une vieille chaussure, comme un vieux lapti.

Il avait même poussé le vice jusqu’à faire de leur aventure une chanson, un grand succès mondial, qui l’avait rendu millionnaire. Et elle ? pas un kopeck, elle a reçu ! Elle se souvient, c’était en 1964, elle avait tout juste vingt ans. Vingt ans, l’âge tendre. Et voilà. Vingt-cinq ans plus tard, elle en a bientôt quarante-cinq. Quarante-cinq ans ! et toujours à arpenter cette place rouge, grelottante en hiver, transpirante en été.

Elle en avait marre d’avoir froid en hiver, marre d’avoir chaud en été. Elle voulait du changement ! On lui avait indiqué l’adresse d’un magicien, qui officiait sous le couvert d’une boutique en ville. Elle y alla. Un panneau « agence de voyage » ornait le fronton du magasin. Sans doute pour donner le change. Oui, on était en 1989 et les frontières venaient de s’ouvrir tout grand et les russes se précipitaient à l’étranger.

Elle fut reçue par un vieux monsieur, un vieillard à grande barbe blanche, qui ressemblait aux gravures de Raspoutine, le grand mage de la dernière tsarine. Cette allure de mage lui fit bonne impression. Elle lui expliqua en détail ses souhaits, ses désirs. Elle en avait marre de l’été trop chaud, de l’hiver trop froid, du printemps trop vert et de l’automne trop roux.

Elle voulait du changement. Le vieil homme ne parut pas étonné. Au contraire, il avait, lui dit-il, une solution toute faite à son problème. Un beau voyage dans un pays magique où il fait chaud en hiver et froid en été. Où les fleurs poussent à l’automne et se fanent au printemps. Formidable ! C’était exactement cela qu’elle voulait !

  • Combien de temps voulez-vous partir ? lui demanda-t-il.
  • Je ne veux pas revenir. Je veux partir à tout jamais.

Il lui vendit donc un aller simple.

Et elle partit. Elle vécut dorénavant dans sa nouvelle ville, Rio de Janeiro. Rien à voir avec Moscou. Là-bas, son métier de guide la faisait aller du Corcovado au Pain de Sucre, de la plage de Copacabana à celle d’Ipanema. Quel bonheur ! Noël se fêtait à la plage. En été on avait froid.

Elle comprit bien plus tard que ce pays n’était pas magique.

Elle se trouvait tout simplement dans l’hémisphère sud !

 


 

Le concours des douze mois

 

Les douze mois étaient assis de nouveau autour de leur feu favori.
L’ordre du jour était spécial ce jour-là.

Janvier se leva et dit :
« Pour ma part, j’ai à signaler l'anniversaire de Martine »
Et il s’assit, l’air satisfait.

Les onze autres mois applaudirent avec ferveur. Assurément, ça commençait fort !

Février se leva et déclara :
Moi, j’ai le grand honneur de présider à l’anniversaire de notre grande poétesse, Rosy !
Sous une salve d’applaudissements nourris, Février se rassit.

Mars se leva, l’air malicieux, et dit :
Moi, c’est l’anniversaire de Shalom que j’abrite.
Quelques rares applaudissements ici et là.
Mars s’assit, déçu.

Avril ne se leva même pas. Il fit « non » de la tête.

Mai, tout guilleret, se leva :
« et moi, et moi, j’ai les anniversaires de… Nelly et de Fanny ! »
Un tonnerre d’applaudissements explosa.

Juin ne bougea même pas.

Juillet, déjà debout : « Moi, l’anniv’ de Marine ! »
Un nouveau tonnerre d’applaudissements explosa.

Août se fit tout petit.

C’est alors que Septembre, dans un grand cri de victoire :
« Et moi, Messieurs, j’en ai deux aussi, mais pas n’importe qui !
J’ai l’anniversaire de Chantal et celui de notre chef, Nathalie ! »
Que d’applaudissements, de hourras, de cris de joie !

Tous étaient debout et congratulaient Septembre, le grand vainqueur assurément.

Alors, Décembre demanda le silence et dit :
« Mais il nous manque… »
« Quoi ? » s’écrièrent les onze autres mois
« L’anniversaire de Karine ! »

Dans un grand silence confus, Janvier se leva et dit :
« Je déclare le concours annulé pour vice de forme.
Il est reporté à une date ultérieure. »

Les douze mois se levaient déjà, éteignaient le feu de bois

Et retournaient à leurs occupations.

C’est-à-dire, ne rien faire !