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Quelle pagaille ! Quelle confusion ! Quel bilboul ! Quel bordel !

Pélèg n’en revenait pas. Tout marchait si bien. Ils avaient formé des équipes bien rôdées. Les meilleurs travailleurs de tous les régions s’étaient rassemblés ici. Faut dire qu’on avait fait de la publicité pour ce chantier.

« Ouvriers de tous les pays, unissez-vous ! »
« Venez construire la plus grande tour du monde ! »
« Il y a du travail pour tous les bons ouvriers ! »

Le bruit s’était répandu partout. Ils étaient venus de toutes les régions de la terre. Faut dire que Nemrod, le roi, avait mis les moyens. C’était un homme puissant, Nemrod. Un grand roi. Et comme tous les rois, il adorait la chasse. C’était un grand chasseur, Nemrod.

Il avait bien organisé son chantier. Ils travaillaient par roulement. Certains le matin, certains le soir. Certains fabriquaient les briques de terre cuite, certains fabriquaient le bitume, certains les transportaient, certains les posaient. Ils appelaient ça « du travail à la chaîne ». Pourtant ils n’étaient pas enchaînés… Ils étaient tous venus ici de leur plein gré. Pélèg supposa que ça voulait dire qu’ils travaillaient à la suite les uns des autres. C’était plus fatiguant que le travail normal où on fait les objets de A à Z, mais c’était plus performant. Et puis, ça payait bien.

Ca payait même très bien. Cela faisait maintenant plusieurs années que le chantier avait commencé, et Pélèg retournait dans sa famille deux fois par an, à Ur. Il avait à chaque fois une belle somme avec lui et donnait l’argent à sa femme qui élevait leur fils Réhu et leurs autres enfants. Il était beau, Réhu ! Il promettait ! Il aurait sûrement une belle lignée. Pélèg était fier. Il aimait Ur, son pays. Il aimait sa famille, sa femme et ses enfants, ses parents, ses aïeux. C’est qu’ils étaient nombreux à la maison : Il y avait son père Héber, et le père de celui-ci, Schélach, et le père de celui-ci, Arpacshad, et le père de celui-ci, Sem. Le père de Sem était encore en vie, mais il n’était pas à la maison. Il habitait du côté d’Ararat. Noé, il s’appelait. Il devait avoir près de 750 ans.

Et voilà qu’il s’en revenait maintenant. Le chantier arrêté pour cause technique, ils avaient dit. Pourtant, ce n’était pas la terre qui manquait, ni le bitume, qui arrivait régulièrement de la mer morte. Non. Ca avait été un truc bizarre. Un peu surnaturel. Pourtant son aïeul Sem lui en avait raconté, des choses bizarres et surnaturelles. Il avait construit avec son père Noé et ses frères Cham et Japhet un gros bateau parce que les Dieux étaient en colère contre la méchanceté des hommes. Alors, le Dieu de la Pluie il avait envoyé beaucoup de pluie, un vrai déluge, et tous les gens méchants étaient morts. Mais voilà que la méchanceté était revenue avec leur frère Cham. Il s’était moqué de leur père Noé. Et Sem lui avait dit, à lui, Pélèg : « Fais attention, dans ce chantier. Le roi Nemrod est un descendant de mon frère Cham. C’est un méchant ! »

Mais bon. Ça s’était bien passé jusqu’à l’autre matin. Le chantier marchait bien. Ils avaient d’abord fait des fondations très solides. Un carré de cent quatre-vingt coudées de côté. Cent quatre-vingt coudées ! Un truc énorme ! Ils avaient commencé à construire une sorte de pyramide carrée. Les chefs ils disaient qu’ils voulaient aller jusqu’au ciel. Lui, Pélèg, ne savait pas. Il ne savait pas lire ni écrire mais il savait compter jusqu’à mille. Mais les calculs compliqués d’angles et de construction, il ne savait pas.

Mais le problème, c’était que la veille au matin, ils s’étaient tous retrouvés sur le chantier, comme d’habitude. Mais les ouvriers parlaient un vrai charabia. Il n’avait rien compris, Pélèg. Et les autres, non plus. C’est comme si leur bouche faisait un bruit bizarre. Au lieu des mots normaux, il sortait des mots bizarres. Mais le plus curieux, c’est que certains ouvriers se comprenaient entre eux. Ah ça, par exemple ! Pélèg, il arrivait encore à parler avec ses copains d’Ur. Mais il ne comprenait plus ceux qui venaient d’Occident ou d’Orient. Mais ceux-ci se comprenaient entre eux. C’est comme si chaque pays avait maintenant son propre langage ! Ils ne pouvaient plus travailler ensemble. Alors, ils avaient décidé de retourner tous chez eux.

C’est comme ça que Pélèg se retrouvait au chômage sur le chemin de sa maison, à Ur.

C’était dommage !

Elle était bien belle, cette tour ! « La Tour de Babel ! » « La porte du ciel ! »

Du coup, quel dommage !

 


 

Robert Koldewey

                                            à

                                                       La Deutsche Orient Gesellschaft

 

Chers administrateurs,

Je vous écris cette note pour vous informer de nos bonnes avancées dans nos fouilles archéologiques dans le site de Babylone.

Nos repérages depuis 1899 (le siècle dernier déjà !) nous avaient donné une bonne prédiction. La tour que nous cherchons (je ne veux pas la nommer, je crains que cette missive ne tombe entre les mains de nos concurrents) se situe bien à l’endroit présumé, près de l’ancienne ville de Babylone

Malheureusement, il ne reste du site que les marques des fondations. La construction ayant été effectuée en briques de terre cuite, celles-ci se sont dégradées avec le temps, ou, pour la plupart, ont été vandalisées par la population locale pour la construction de leurs habitats. Ceci au fil des siècles. La construction semble dater des années 600 av JC. Elle a très rapidement -dès l’an 550 av JC- été abandonnée. Du coup, plus de 2.400 ans nous séparent de son état initial.

La base de la ziggourat, ou pyramide, s’inscrit dans un carré de 180 coudées, soit 90 mètres, de côté et compte 6 étages, couronnés par un temple haut appelé šahuru. Le premier étage est haut de 33 mètres, le deuxième, de 18 mètres, et chaque étage suivant s’élève à 6 mètres. Le šahuru mesure quant à lui 15 mètres de haut. La hauteur de l’ensemble s’établit donc à 90 mètres, et la tour à étages se présente comme une pyramide parfaite, s’inscrivant dans un cube aux arêtes de 90 mètres.

La situation de cette tour est très proche de l’antique ville de Babylone. Lors de leur exil dans ce royaume, après la destruction du premier temple, les Hébreux furent sûrement impressionnés par cette tour et l’intégrèrent à leur bible, écrite pendant cet exil en lui donnant le nom de la tour de
Babel. La « Tour de Babel » signifie « la Porte du Ciel », d’où vient la légende qui veut que Dieu a semé la pagaïe dans les langues des ouvriers. Il est intéressant de noter que pagaïe se dit en hébreu « bilboul ».

Du coup, on comprend mieux le nom de la Tour de Babel.

Bien à vous,

Robert Koldewey, le 26 mai 1917

 


 

Je monte, je monte les escaliers…

Il me semble que ça fait des heures que je monte ces escaliers. Dans une sorte de tour. Une tour antique en briques de terre cuite. Jolie, mais sacrément haute, dites donc !

Mais que se passe-t-il ? Je suis en pleine forme. Je n’ai même plus mal à la jambe. Je me souviens. J’ai été hospitalisé en urgence car ma jambe n’étant plus irriguée de sang suite à une artère bouchée et le chirurgien ayant décalé et décalé la date de mon opération, la jambe s’est finalement gangrénée. Ils m’ont endormi pour une amputation de la jambe gauche.

Et je ne me souviens pas m’être réveillé…

Et là, je monte, je monte des escaliers je ne sais pas depuis combien de temps… Mais j’ai un mauvais indice : je n’ai plus mal à la jambe. Ils ne l’ont pas coupée finalement. Et je suis jeune à nouveau. J’ai quoi ? vingt ans ? trente ans ? Et je suis tout nu. Bizarre…

Du coup, je pense que je suis peut-être…

Mais oui, je me souviens qu’on -qui ? je ne sais pas- m’a dit de monter dans la tour de Babel. En hébreu et en arabe, Bab veut dire « porte ». « El » ça peut être l’article arabe « le ». Comme dans Bal El Oued, le quartier d’Alger où je suis né. « Bal El Oued » veut dire « la porte du ruisseau ». Mais « El » c’est aussi en hébreu un des nombreux noms de Dieu. Ce qui voudrait dire que cette tour s’appelle « la Porte de Dieu » ou « la Porte du Ciel ».

Du coup, je pense que je suis peut-être…

D’autant plus que je viens de revoir en accéléré le film de ma vie. Alger, quartier de Bab el Oued, où je suis né, puis Marseille de 12 à 18 ans, puis Israël 5 ans, où j’ai appris l’hébreu, puis pendant de longues années, encore Marseille. Jusque l’année dernière, où je suis arrivé dans ce petit village de Catalogne. Une belle région, certes, mais un désert médical où il a fallu attendre près d’un an une date d’opération. Qui est donc arrivée trop tard…

Du coup, je pense que je suis peut-être…

Mais oui ! Je monte les escaliers de la Tour de Babel !

Je vais donc au Ciel !

Du coup, c’est sûr que je suis…